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Réseau « Plein Sud » La Pierre St Martin – Printemps 2008
En préambule, il convient d’effectuer un bref rappel historique des dernières explorations sur la zone de Llanos carreras, à 1860m d’altitude. Ce secteur est niché entre deux des plus grands réseaux du massif, au Nord la rivière de La Pierre, au sud celle des Partages. C’est là que nous avons jeté notre dévolu depuis maintenant 4ans. Il y a eu tout d’abord le C104 qui après bien des péripéties nous a conduit à –320, avant de jonctionner avec son voisin le C2. Celui-ci, jugé plus « facile » est repris.
Nos ambitions de trouver une rivière jusqu’alors inconnue s’arrêtent à -365m, à l’issue d’un méandre infâme de 300m de long. Si nous avons la surprise de nous retrouver dans les Partages après une belle série de premières, nous avons bien du mal à cacher une certaine déception.
Pourtant, tenaces, nous ne nous avouons pas encore vaincus. C’est promis, l’année 2008 sera la bonne.
En ce début d’année, ça ne tarde pas à nous démanger sous les bottes, mais nous le savons bien, là haut, pour l’heure, c’est le royaume des neiges, où veillent seulement quelques isards perdus, des vautours affamés et qui sait, peut être un ours solitaire. Si l’année est « mauvaise », Llanos Carreras ne sera accessible qu’au début de l’été, au mieux, nous pouvons espérer le mois de juin.
« Si on ne peut pas passer par le haut, explorons par le bas ». Alors, je ne sais plus très bien qui a eut cette idée saugrenue en observant attentivement la synthèse des topographies du massif, mais une chose est sur, sans réellement y croire, nous étions tous enthousiastes. La neige nous barrait l’accès supérieur, qu’à cela ne tienne, nous essaierons de passer tout en bas, en remontant La Pierre en amont. Avant le tunnel du vent, vers la salle de Navarre, il y a le réseau « plein sud », il y a des années que plus une équipe ne s’y risque. Les explorations sont loin d’être terminées…
La première sortie a lieu en Mars. Michel Douat nous guide, il s’agit seulement d’aller effectuer quelques reconnaissances. Nous savons déjà que le chemin sera long et chaotique, nous le connaissons bien pour l’avoir parcouru à maintes reprises, une fois même avec une civière et un spéléo espagnol dedans… Nous sommes huit, ce jour là, nous parcourons le réseau en égrenant les salles mythiques, avec toujours une anecdote pour ponctuer chaque passage. C’est d’abord l’entrée par le tunnel EDF, puis la grandiose Salle de la Verna, sous les lumières du nouveau chantier, elle parait encore plus gigantesque. Nous traversons la rivière dans la salle Chevalier. Il faut se baisser au passage Adélie, le niveau d’eau ne nous fait pas obstacle. Nous traversons la salle Queffelec. Puis se succèdent, l’immense galerie de métro et ses formes rectilignes, les salles Loubens, Elisabeth Casteret. Au pied du Lépineux, nous avons une pensée pour nos aînés et Marcel Loubens en particulier.
Et c’est dans ce secteur, qu’en contournant un éperon rocheux, je fais une chute. J’atterri à peu près trois mètres plus bas, sur le dos, au beau milieu des blocs ! Heureusement, le kit de corde que je porte m’a protégé. Nous avons tous eu une énorme frayeur. Nous sommes à sept heures de l’entrée. Dans chacun de nous, le spectre du secours nous était présent, nous savons tous ce que cela signifie. Mais mon heure n’était pas arrivée. Péniblement, nous repartons vers notre objectif. La pause au sommet de la salle Navarre est la bienvenue. Nous parcourons encore quelques galeries, la zone est de plus en plus fracturée, les obstacles de plus en plus délicats, là c’est un puits qu’il faudrait explorer, ici c’est une escalade qui sera à tenter. La partie est de plus en plus complexe. Nous reprenons bientôt le chemin du retour. Notre objectif a été atteint, nous sommes venus reconnaître les lieux, sans avoir vraiment tenté de forcer un quelconque passage. Si la marche de retour est parfois douloureuse, elle s’effectue pourtant sans trop d’encombre. Nous venons de faire un raid de dix sept heures !
En Avril, une équipe s’est cassé le nez à la porte du tunnel, serrure gelée, mais je n’étais pas de la partie.
Le premier Mai, nous sommes de retour. Sur le massif, il a plu, beaucoup même, mais il en faut d’autres pour nous décourager, et puis La Pierre, c’est grand…Quand nous arrivons à la Verna, les embruns envahissent l’espace, par la passerelle métallique, impossible de passer, le niveau d’eau est trop élevé. Nous rebroussons chemin et nous nous glissons par le passage classique, à travers les blocs, là, aucun risque. Mais en traversant Chevalier, certains commencent à faire la grimace, il y a un moment de flottement dans les rangs. Le passage Adélie sera coupé, c’est sur. Il existe bien un shunt, mais il faut le retrouver, l’équiper, cela va bien nous prendre une heure ou deux de plus. Finalement, après moult palabres, la décision est prise, nous y allons. C’est un peu chaud comme secteur, c’est un haut et large méandre tapissé de choux-fleurs, c’est sportif, mais c’est sec et au moins nous assurons le retour.
Plus loin, en passant dans la salle Elisabeth Casteret, nous nous attardons un peu en furetant à travers tous ces rochers, c’est plus fort que nous ; la salle perdue de Labeyrie. Nous faisons semblant de ne pas y croire et pourtant au fond de nous, chacun en rêve. Bon, il faut y aller, le temps passe. Nous retrouvons la salle Navarre, bientôt le groupe se scinde en trois.
Le premier se dirige vers un affluent, le JLM, objectif, explorer au-delà de la topo connue, c’est un méandre, haut et étroit, il y a plusieurs départs, plusieurs puits se succèdent, mais la corde, restée dans le shunt au début de l’exploration, fait vite défaut. Et puis, ce n’est pas très engageant…
Le deuxième groupe est parti explorer le terminus du réseau Plein sud, le résultat est médiocre.
Dans la troisième équipe, nous tentons une escalade en fond de galerie, ça a l’air prometteur (comme souvent…). Une vingtaine de mètres plus haut, on se rend à l’évidence, la suite n’est pas ici. Nous nous glissons partout où c’est possible, ça ne veut pas passer.
Décidemment, La Pierre, comme à son habitude ne se rend pas facilement. Nous nous retrouvons tous pour une pause bien méritée et nous reprenons le chemin du retour.
Lorsque l’on raconte ce type d’exploration, cela parait simple, rapide et peut être inutile, et pourtant, au bout de dix huit heures, lorsque nous avons émergé du tunnel, vers quatre heure du matin, la fatigue était bien présente. Pour certains, le retour a été plutôt douloureux. Notre détermination n’est pas entamée, mais nous devons penser probablement à établir un bivouac si nous voulons gagner en efficacité.
Après une exploration de ce type, nous avons bien mérité un brun de repos, et en attendant que la neige libère les pentes de Llanos Carrera, c’est dans les gouffres du minervois que nous terminons ce week-end !
Reprise du réseau des Quinquas – de juillet à novembre 2008
Quand cette nouvelle saison débute sur la Pierre, on s’interroge beaucoup. Par où continuer ? Ce ne sont pas les objectifs qui manquent. Mais pour atteindre cette rivière tant espérée, quel est le meilleur chemin ? Le C2, le C110, le C104, au fur et à mesure que nous levons des interrogations, d’autres s’offrent à nous.
Durant l’été, l’activité du groupe ne faiblira pas. Une nouvelle fois, les trous à neige sont revisités, il a neigé tard dans la saison, rien ne passe par-là. La prospection de surface continue, là non plus, rien de très engageant. Le C402 est repris, terminus à -70, la désobstruction ne me parait pas difficile, mais lorsqu’un énorme bloc se détache d’on ne sait où pour emprisonner un des équipiers, nous ne tardons pas à déséquiper le tout et déclarer ce gouffre terminé !!!
Un peu partout dans le C2, l’activité bat son plein. Une exploration dans le méandre, au-dessus du P31à -300 ne donne rien, où plutôt si, les combinaisons terminent en lambeau…Dans l’infâme trémie du fossile à -330, une escalade de 15m est réalisée, ça pince. En bas, personne, ou presque, ne souhaite vraiment continuer la progression à travers les blocs. (C’est peut être dommage, mais il faut déjà le sentir dans la tête pour y aller…) Le bivouac qui avait été transporté du C104 au C2 depuis la jonction du fond, se déplace une nouvelle fois. Son installation dans le fossile est nettement plus confortable. Audessus du P100, nous tentons une escalade, nous continuons par des ressauts, et un puits. Nous y croyons, et pourtant, l’espoir est vite déçu, nous retombons dans le P100 vers – 155. Nous rajoutons 48m de développement.
Ca parait dérisoire et pourtant…à chaque nouveau tronçon parcouru, c’est un moment d’émotion, chaque fois renouvelé.
Entre temps, c’est un pari fou qui s’engage dans la galerie Est du C104. La désob. a repris, le courant d’air est toujours aussi violent. Cette branche a été abandonnée en 2005, la désobstruction, jugée trop importante, avait été stoppée au profit de celle qui allait nous conduire à la jonction du C2…
Jours après jours, tous les spéléos d’Amalgame y laisseront un peu d’eux-mêmes. Le chantier avance, il ne parait plus aussi invincible. Au bout de dix jours et 10m, le méandre s’élargit enfin.
Une suite de ressauts nous conduit vers une fissure étroite, nous sommes à -90. L’obstacle est franchi au profit d’une escalade, le courant d’air nous guide à travers un nouveau méandre. C’est l’euphorie qui nous gagne de nouveau, le passage est pulvérisé. Devant, s’ouvre un très gros puits. Une rapide descente sur une vingtaine de mètres, permet d’estimer la profondeur à 80m environ. Nous ne pouvons aller plus bas, la corde manque. Le camp s’achève.
Nous reviendrons très vite… Pendant que nous nous débattons dans ces méandres sans fin, d’autres spéléos un peu plus loin, plus haut vers l’Est, viennent de réaliser un exploit. Le collectif qui rassemble des membres du SG Forez et l’Interclubs des partages viennent, après 8 ans d’efforts, de réaliser la jonction entre La Pierre et Les Partages. Cette jonction avait été non pas seulement imaginée et rêvée, mais pensée par 2 membres du Spéléo Club poitevin dès la fin des années 70, elle relève d’hypothèses savamment orchestrées. Ce complexe « Pierre/Partage » développe désormais 80,20km , pour une profondeur totale de -1410m. La Pierre sait se livrer à ceux qui, tenaces, persévèrent…
Dès la fin août, une équipe redescend le C104, il est topographié jusqu’à -91. Le puits papillon est exploré, 90m de plus, le fond est bouché, mais il reste des lucarnes à visiter, une dizaine de mètres plus haut.
Dès septembre, c’est chose faite, l’escalade permet d’atteindre la lucarne, mais pour se retrouver de nouveau dans un méandre. La topographie réalisée ce jour, donne la profondeur de -153, le puits Papillon mesure en fait 82m au lieu de 90. Quinze jours plus tard, le méandre est élargi, le choc des massettes sur les burins a résonné durant des heures, le courant d’air qui souffle dans notre direction ne permet pas l’utilisation de la perforatrice thermique. Heureusement, à cet endroit la roche est très friable, certains diraient « pourrie », pour une fois, personne ne s’en plaint. Et 10m plus bas, ça pince de nouveau. Décidemment, nous n’en verrons jamais le bout !
Le C104, verra deux nouveaux raids avant l’hiver. A – 163, le chant du burin va encore battre la mesure. Le réseau s’éloigne de plus en plus vers l’Est, c’est-à-dire vers l’inconnu. Après un ressaut de 8m, nous atterrissons au-dessus d’un petit puits, nous sommes pressés, il est déjà 20h, une daube nous attend au chalet. La roche trop friable ne nous permet pas de planter de spits dans de bonnes conditions, qu’à cela ne tienne, à 2, nous faisons un bon amarrage humain, le plus léger descend. Il croise une galerie qui pince en aval, mais en amont, s’ouvre un puits énorme, une dizaine de mètres de diamètre, les pavés jetés dans le fond résonnent avec fracas. C’est sur, il mesure bien 100m…Si pour la remontée, la fatigue commence à se faire sérieusement sentir, c’est avec plein d’espoir et de rêves dans la tête qu’elle s’effectue. Il est plus de minuit quand nous dévalons le chemin qui nous ramène aux voitures. Au chalet, nous fêtons copieusement la nouvelle, autour de la superbe daube préparée par Claire.
A ce moment là, nous nous disions « ce n’est pas possible, on ne va pas attendre l’été prochain pour savoir… ». Et en effet, 8 jours plus tard, une équipe se reforme. Nous n’avons pas pu résister, l’impatience est trop forte. Le grand vide au bord duquel nous nous étions arrêté, ne descend pas plein gaz. Pour arriver tout en bas, nous trouvons d’abord un énorme palier, qui forme une vaste salle 15m en contre bas. Ensuite le puits continue à dévaler sous forme d’éboulis sur une cinquantaine de mètres, mais ici, la roche a subit beaucoup de dommages, c’est délité, fracturé de partout, donc il est impossible de progresser par-là sans tout purger. Heureusement, dans la salle, sur la paroi opposée, une escalade permet d’accéder à un second puits nettement plus sain. Il y a même un troisième puits encore plus à gauche, mais il est colmaté 12 mètres plus bas. Le deuxième puits, magnifique est plein pot sur 35m, à mi-profondeur, il rejoint le premier puits. A la base, la progression est stoppée net par un méandre très étroit, ça sera notre terminus pour aujourd’hui. La topo nous donne une profondeur de -263m. Deux lucarnes sont repérées en remontant, l’une d’elles avale un petit écoulement d’eau. Dans la salle, deux cheminées facilement escaladables semblent donner sur de gros volumes.
Plusieurs objectifs donc pour le printemps prochain, mais le manque de courant d’air dans cette partie du réseau nous laissent à penser que la suite est peut-être ailleurs…
Pour le groupe, Christian Girault.
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